TL4 La Bruyère
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La Liberté : cours explicité

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Message  Cécile Ven 10 Juin - 17:51

LA LIBERTE

I. APPROCHE PROBLEMATIQUE
Doxa (-> opinion courante): la liberté correspond à la faculté d’atteindre certaines fins en l’absence de toute contrainte. C’est l’idée d’un mouvement qui ne rencontre aucune contrainte majeure, ex de la roue libre, de la chute libre, de l’entrée libre.

L’importance de la volonté : Là où le mouvement de la roue/la chute est déterminé par la vitesse/gravité, le propre d’un acte libre humain est de n’avoir pour origine que l’homme. Toutefois, tout acte ayant l’homme à son origine ne relève pas forcément de la volonté (ex d’un alcoolique, c’est bien lui qui enclenche le mouvement, mais entièrement porté par l’alcool.)

DEF 1 : liberté=capacité d’autodétermination de l’homme, indépendamment de toute force extérieure  faculté de faire des choix libérés de toute contrainte.  pouvoir faire ce qu’on veut. Cette absence de contrainte doit se situer, pourrait-on dire, tout à la fois à l’amont (-> Ø influence/déterminisme dans le choix) et à l’aval (-> avoir toute latitude pour le mettre en œuvre) du choix.
 Prédominance de la volonté (DEF : activité consciente qui tend à mettre en œuvre des moyens en vue d’un résultat, celui-ci étant poursuivi en fonction d’un choix délibéré).

Distinction liberté philosophique/politique (Montesquieu, De l’Esprit des Lois) :
- « la liberté philosophique consiste dans l’exercice de sa volonté » (-> en amont du choix)
- « la liberté politique ne consiste pas à faire ce qu’on veut […]. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent : et, si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir ». le raisonnement est le suivant : les lois assurent les libertés de chacun ; si je viole les lois, je viole les libertés des autres, qui sont donc en droit de faire de même et de violer ma liberté -> je n’aurais plus de liberté.

Remarque : dans une autre définition que Montesquieu donne de la liberté politique, notons le lien qu’il établit entre lois et devoir : « la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir (-> avoir la possibilité d’agir conformément aux lois, qui posent ce que l’on doit vouloir, à la façon de principes moraux), et à n’être pas point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir (nul ne doit pouvoir nous obliger à agir contrairement à la loi) »

QUESTIONS
« pouvoir faire ce qu’on veut »
 Peut-on vraiment vouloir ce qu’on veut, y a-t-il absence d’influence en amont du choix ?
 Le « faire » renvoie à la réalisation ; un être vivant en société, encadré par des lois, peut-il agir librement, en aval de son choix (déjà réponse avec Montesquieu)?

II. QUESTION DE L’INDEPENDANCE DE LA VOLONTE : REPONSES CLASSIQUES

A. DESCARTES : LA TOUTE-PUISSANCE DE LA VOLONTE FONDE UNE ABSOLUE LIBERTE

1) VOLONTE=CE QUI DS LE SUJET N’EST PAS SOUMIS AU DETERMINISME DE LA NATURE
Pour Descartes, la volonté fait du sujet « un empire dans l’empire » de la nature (l’expression est de Spinoza : « Ils conçoivent l’homme dans la nature comme un empire dans un empire », Ethique). C’est une force en lui qui seule le rend capable de résister aux lois mécaniques de la nature, de nier les évidences sensibles ou rationnelles (voir processus du doute, avec le malin génie) les plus fortes : « la volonté est tellement libre de sa nature qu’elle ne peut jamais être contrainte » (Les passions de l’âme) La force de sa volonté, indépendante et toute-puissante, fait de l’homme un être libre, et le différencie ainsi des animaux soumis aux déterminismes naturels.

Cette capacité de l’homme à se déterminer lui-même est nommée par Descartes : libre arbitre. Cet « empire que nous avons sur nos volontés » (qui ne sont pas influencées par un quelconque déterminisme, mais ont pour seule origine le sujet), rend les hommes, selon Descartes, « en quelque façon semblables à Dieu en nous faisant maîtres de nous-même ». Nous avons donc une entière maîtrise de nos actes, et donc une entière responsabilité ; de ce fait, c’est pour ses actes déterminés selon ce libre arbitre qu’un homme peut être « digne de louange ou de blâme », lui, et non ses déterminismes.

2) PLUSIEURS DEGRES DANS LA LIBERTE
La liberté humaine peut s’exercer à trois degrés :

- la liberté d’indifférence : choix au pifomètre de l’une ou l’autre des alternatives. Il y a liberté, puisqu’aucune contrainte ne me fait choisir l’une plutôt que l’autre, mais elle s’exerce sans connaissance de cause : « le plus bas degré de la liberté consist[e] à se pouvoir déterminer aux choses auxquelles nous sommes tout à fait indifférents. »

- la liberté d’opposition : c’est celle qui s’exerce lors de l’expérience du cogito : « liberté [..] telle que, toutes les fois qu’il nous plaît, nous pouvons nous abstenir de recevoir en notre croyance les choses que nous ne connaissons pas bien. », et où, par excellence, l’homme fait usage de son libre arbitre.

- la liberté rationnelle : il faut comprendre que, pour Descartes, « la connaissance, bien loin de diminuer ma liberté, l’augmente plutôt, et la fortifie ». Les arguments rationnels, en faveur de l’une ou l’autre des alternatives, ne restreignent pas ma liberté ; si je le désirais, je pourrais agir contre la raison (voir liberté d’opposition). Ils permettent au contraire d’exercer une liberté éclairée, d’une certaine façon non-contrainte par l’ignorance, et d’ainsi dépasser la liberté d’indifférence, « plus bas degré de la liberté ». La liberté est plus entière lorsque le sujet agit en connaissance de cause.

3) CONSEQUENCE METAPHYSIQUE : UNE SCISSION DU SUJET
Une scission du sujet, être à la fois :
- doué d’un libre arbitre, d’une entière liberté à orienter sa volonté
- physique, ancré dans un corps soumis à ses déterminismes, aux « passions de l’âme »

Danger d’un volontarisme : dans un environnement saturé de déterminismes, se pose la question de l’aspiration volontaire du sujet.
- Peut-elle avoir une réelle efficience sur le monde extérieur, ou son impact se limite-t-il au sujet lui-même ? Ex d’Auguste dans Cinna, de Corneille, qui « triomphe d’un juste courroux » : l’action est en quelque sorte déconnectée de la question du résultat. Ce qui importe, c’est l’usage du libre arbitre en lui-même, et non les conséquences -> danger du volontarisme
- Si efficience il y a, le libre arbitre ne met-il pas l’individu en danger, puisque son environnement, lui, reste soumis aux déterminismes ? Ex d’un ado qui refuse de se plier aux normes du système scolaire, et qui court alors le risque de se trouver au ban de la société.

B. LA LIBERTE EST UNE ILLUSION

1)LES GRECS : UNE VOLONTE SOUMISE AU FINALISME ET A LA RAISON
Le finalisme de la nature : pour les Grecs, nature = cosmos, grand Tout rationnel et harmonieux, comprenant une finalité qui échappe à l’homme. Celui-ci est certes doué d’une volonté propre, il peut même vouloir refuser de pleinement aller « dans le sens de la marche » de ce grand Tout : mais, en réalité, il lui est toujours intégré, et chacun de ses actes va vers cette finalité. Il n’y a donc pas de radicalité de la volonté.

Poids de la raison : Socrate : « Nul n’est méchant volontairement » (on pénètre ici le domaine de la morale). Dès lors que sa raison enseigne à l’homme ce qui est bien et ce qui est mal, celui-ci ne peut que aller vers ce qui est bien -> faiblesse de la volonté face à la raison.

Le destin chez les stoïciens : les stoïciens croient en l’existence d’un destin, d’un principe unique régissant le monde, et contre lequel l’homme ne peut rien. Ils invitent toutefois le sujet à adhérer de façon volontaire à cette providence du monde, et surtout à apprendre à distinguer ce qui dépend de lui, et où il doit alors se montrer volontaire et engagé, et ce qui ne dépend pas de lui, où il doit admettre une certaine forme de fatalisme.

Latitude laissée aux hommes (stoïcisme) : leur faculté de juger. Il appartient aux hommes, et c’est là leur seule marge de liberté par rapports aux désirs excessifs qui les rendent si malheureux, de choisir de juger comme bon ce qui advient (voir cours sur le désir). C’est alors, ayant vidé leurs désirs de leur force, qu’ils connaitront non seulement l’atarxie (voir chap sur le bonheur), mais aussi une forme de liberté intérieure.

2) SPINOZA : TOUT EST DETERMINE
Tout est soumis à des déterminismes : pour Spinoza, « Il n’y a dans l’âme aucune volonté absolue ou libre ; l’âme est déterminée à vouloir ceci ou cela par une cause qui est aussi déterminée par une autre, et cette autre l’est à son tour par une autre, et ainsi à l’infini. » (Ethique).

L’homme est inconscient de ces déterminismes : comme une pierre qui tombe du fait de la gravité, mais qui, n’ayant conscience que de son propre mouvement, pense être à l’origine de celui-ci, l’homme est inconscient des déterminismes qui sont à l’origine de ses « choix » : « telle est la liberté humaine que tous les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. » Cette certitude de se déterminer constitue un « préjugé inné en tous les hommes », dont ils peinent à se détacher. NB : thèse reprise par les structuralistes du XXe.

Seule liberté : prendre conscience de son absence : « la liberté est la nécessité comprise ». L’homme n’acquiert un peu de liberté que lorsqu’il devient conscient du non-poids qu’il a sur ses actions : tous ses choix sont nécessaires, c’est-à-dire ne pouvant être autrement qu’ils ne sont, puisqu’entièrement déterminés par des causes antérieures.

3) FREUD : PROBLEME DE L’INCONSCIENT
Pour la psychanalyse, il n’y a pas de volonté consciente au sens de toute-puissante où l’entend Descartes. Les choix du sujet sont déterminés par ses représentations inconscientes -> la volonté n’est donc qu’un effet de l’inconscient -> il n’y a pas de réelle liberté de la conscience. Comme chez Spinoza, la seule liberté du sujet consiste à prendre conscience de ces déterminismes inconscients.

III. SYNTHESE : KANT

1) LES POSSIBILITES DE LA THESE KANTIENNE
Rappel : Kant distingue la chose en-soi (le « vrai » réel, inaccessible), des phénomènes (ce qui nous parvient de l’en-soi au travers des prismes de nos formes perceptives). La même distinction s’applique pour ce qui concerne le sujet : il existe un noumène, ou je transcendantal, qui constitue la véritable nature du sujet, son noyau formateur. Si j’ai conscience de moi-même, de mon moi qui se laisse saisir au travers de l’expérience, la connaissance de mon je transcendantal est impossible.

=> Si, dans le monde des phénomènes, le sujet semble soumis à des déterminismes, peut-être le je transcendantal détient-il une liberté dont je n’ai pas conscience. Kant le définit comme une personnalité libre, sorte de commencement absolu du sujet, qui nous rend responsable de nos actes. La liberté, chez Kant, est donc une hypothèse, un postulat de la raison pratique.

Cette hypothèse se fait régulatrice de l’action ; si je conçois l’homme comme entièrement déterminé, si je ne fais pas cette hypothèse de la liberté, alors je réduis l’homme à l’état de machine.

2) LIBERTE ET MORALE
NB : Si je crois l’homme capable d’actions morales, je lui suppose une part de liberté. Il n’y a en effet pas de morale chez des machines, ou tout être mu par des déterminismes : ce qualificatif suppose une capacité de choix, et donc de liberté.

La volonté, chez Kant, est « la faculté d’agir d’après la représentation des lois » morales (Fondements de la Métaphysique des Mœurs). La liberté réside donc dans la morale, dans la capacité d’agir conformément à des lois morales plutôt qu’à des déterminismes d’intérêt. Agir librement, c’est remplacer « l’influence de l’inclination » par une détermination autre, celle de, « objectivement, la loi, et subjectivement, un pur respect pour cette loi pratique ». C’est dans ce « déterminisme » d’un nouveau genre que s’exerce la liberté humaine.

Petite avancée dans le chapitre sur le devoir : Prévaut ainsi la « bonne volonté », essentiellement bonne, d’une valeur intrinsèque. Si l’homme fait acte de bonne volonté, c’est-à-dire s’il se détache des déterminismes d’intérêt, alors, quand bien même il n’y aurait pas d’aboutissement concret de cet effort sur soi, « [la bonne volonté] n’en brillerait pas moins, ainsi qu’un joyau, de son éclat à elle, comme quelque chose qui a en soi sa valeur tout entière. ». Joyau -> précieux et rare. La valeur d’une action accomplie par devoir (seul type d’action accomplie véritablement librement) ne s’évalue donc pas au résultat, au contenu, mais selon le « principe du vouloir d’après lequel l’action est produite » (voir distinction impératif catégorique/hypothétique)

Les lois morales donnent donc à la liberté son indépendance, et la « bonne volonté » libère du déterminisme. Liberté et morale sont, chez Kant, indissociablement liées. Notons que, subséquemment, la liberté est associée à la raison, car l’action morale est un pouvoir de la raison : « la liberté est une propriété de la volonté de tous les êtres raisonnables. »

IV. CRITIQUES

A.CRITIQUE DE LA VOLONTE COMM FACULTE PSYCHOLOGIQUE IDENTIFIANT LA LIBERTE
Critique de Descartes. Jusqu’ici, sur le modèle cartésien, nous avons intégralement associé liberté et volonté. Au contraire, Sartre affirme : la volonté n’est qu’un second moment, et la liberté est une donnée fondamentale de l’homme.

Ce que refuse Sartre chez Descartes : la scission du sujet induite par sa thèse, car « assimiler les actes libres aux actes volontaires, et réserver l’explication déterministe au monde des passions », c’est couper le sujet en deux parties, l’une déterminée, l’autre autonome. Or, Sartre croit à l’ « unité psychique ».

Une définition de la liberté chez Sartre : « négativité, puissance de néantisation ». La néantisation sartrienne est une opération par laquelle le sujet crée un « néant », une distance entre lui et son environnement, lorsqu’il parvient à se dégager d’une situation (et, en quelque sorte, de ses déterminismes). Par exemple, il y a néantisation au moment de l’élaboration d’un projet, qui crée une distance par rapport au présent. La liberté du sujet réside donc dans cette capacité de prendre du recul par rapport aux situations auxquelles il est confronté, et donc de ne pas être entièrement régi par les influences de son environnement.

Remarque : Alexandre Kojève, commentateur des thèses de Kant, tient le même discours ; la liberté est un pouvoir de négation interne à la conscience humaine (c’est un peu la liberté d’opposition de Descartes, en mieux) : « la liberté […] est la négation du donné », de ce qui existe déjà, « tant de celui qu’on est soi-même (en tant qu’animal ou en tant que « tradition incarnée ») que de celui qu’on n’est pas (et qui est le Monde naturel et social » (Introduction à la lecture de Hegel) -> l’homme est capable de refuser de se plier à ses pulsions naturelles ou à ses déterminismes sociaux .

Projet et volonté : deux phases : pour Sartre, la volonté n’est pas un indicateur exclusif de la liberté. La liberté de l’homme réside certes dans sa capacité à se déterminer. Mais, dans un projet humain, la volonté ne constitue qu’une seconde phase : « la volonté, en effet, se pose comme décision réfléchie par rapport à certaines fins. Mais ces fins, elle ne les crée pas. Elle est plutôt une manière d’être par rapports à elles : elle décrète que la poursuite de ces fins sera réfléchie et délibérée ». La volonté ne manifeste pas l’existence de la liberté ; elle n’est qu’une façon d’agir, une orchestration organisée de moyens en vue d’une fin. La liberté de l’homme intervient lors de la détermination de cette fin, dans une première phase d’invention des possibles, où le choix s’élabore progressivement. La volonté n’est donc pas « la manifestation unique ou du moins privilégiée de la liberté » ; elle dépend de cette première phase où s’est exercé la liberté de l’homme, d’un « fondement d’une liberté originelle », « pour pouvoir se constituer comme volonté ».

« L’homme est liberté » : fondamentalement, « il n’y a pas de déterminismes, l’homme est libre », selon la conception existentialiste. Pourquoi ? Parce que « l’existence précède l’essence ». Ce que l’on peut traduire par : il n’y a pas de nature humaine. Là le poisson est naturellement porté à tourner en rond, la feuille à tomber de l’arbre en automne, nul déterminisme biologique ne peut déterminer l’homme à sa place. C’est pourquoi « l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait », entièrement libre.Ce n’est à la rigueur qu’à la mort d’un individu qu’on pourra, rétrospectivement, déceler quelques grands caractères communs dans toutes ses actions, de façon en fait assez artificielle (Malraux : « la mort transforme la vie en destin ). Conséquence : entière, pleine et perpétuelle responsabilité. Je fais constamment des choix, dont je dois assumer la responsabilité. (citations < L’existentialisme est un humanisme)

Double responsabilité : cette entière liberté donne à l’homme une responsabilité à deux égards :
- Par rapport à lui-même : « l’homme est responsable de ce qu’il est » (c’est pourquoi Sartre ne pourra que s’opposer à la thèse freudienne de l’inconscient)
- Par rapport aux autres : chacun de mes choix « engage l’humanité entière », car je suis à chaque fois potentiellement modélisant par rapport aux autres. En agissant de telle façon ou telle façon, je leur propose un certain modèle, vendu comme bon : « choisir d’être ceci ou cela, c’est affirmer en même temps la valeur de ce que nous choisissons, car nous ne pouvons jamais choisir le mal ; ce que nous choisissons, c’est toujours le bien, et rien ne peut être bon pour nous sans l’être pour tous ».

Remarque : cette permanence de la liberté de choix va en un sens, et assez paradoxalement, à l’encontre de la liberté du sujet, puisqu’il est obligé de choisir. Sartre en est conscient, qui affirme : « nous sommes condamnés à être libres. »

B. CRITIQUE DE LA VOLONTE COMME CATEGORIE MORALE (NIETZSCHE)
Crique de Kant : à bas la volonté morale : Nietzsche refuse de limiter la liberté humaine à la capacité de volonté morale, cette volonté qui consiste à respecter des normes morales. En fait, il refuse ces normes tout court ; il s’agit de bornes artificielles et limitatrices posées à la volonté du sujet (voir chapitre sur le devoir)

La puissance de la volonté du sujet : Nietzsche croit en l’existence chez le sujet d’une volonté formidablement puissante, entièrement autonome, mais que la société veut à toute force normer par des lois morales, elles-mêmes forgées par les volontés d’autres. C’est en donnant libre cours à cette volonté si puissante que l’homme peut réellement s’épanouir et accomplir sa liberté. Les effets de cette volonté ne sont pas évaluables moralement ; la volonté est sa propre valeur, dès lors que l’homme a agi en en usant, il a bien agi.

C. CRITIQUE D’UNE LIBERTE SOLITAIRE : INDEPENDANCE ≠ LIBERTE (ROUSSEAU)
Thèse:« l’indépendance et la liberté […] sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement ». Grosso modo, après s’être demandé : puis-je vouloir ce que je veux ? On se demande : puis-je, au sens moral du terme, faire ce que je veux ? Nietzsche répondait que oui ; Rousseau répond que non. Ma liberté ne peut pas s’exercer au détriment de celle des autres sans se détruire elle-même, et ce sont les lois qui me permettent de savoir où je dois limiter ma liberté pour ne pas empiéter sur celle des autres.

Règle générale : « la liberté consiste moins à faire ce qu’on veut qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ». Or, dit Rousseau, lorsqu’on fait « ce qui déplaît à d’autres », en voulant « soumettre la volonté d’autrui à la nôtre », c’est en fait sa propre liberté que l’on réduit. Il prend l’exemple extrême d’un maître, et affirme : « Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c’est obéir ». En quoi un homme exerçant un pouvoir tyrannique sur les autres est-il non-libre et soumis à l’obéissance ?
- En asservissant les autres, en agissant à l’encontre de leur volonté et de leur liberté, je génère en eux du ressentiment -> ma liberté court le risque d’être, à terme, réduite
- En me maintenant mon pouvoir par la force, je vis dans un stress permanent -> je ne jouis pas d’une réelle liberté
- Du coup, régner, même pour un tyran, va consister à se conformer peu ou prou à la volonté générale => lui obéir, même partiellement.
 La liberté d’un tyran est « destructrice d’elle-même »
C’est vrai, à plus petite échelle, de tous les tyrans d’un jour, d’une heure ; dès lors que mon action réduit la liberté de l’autre, la mienne s’en trouve d’autant réduite : « je ne connais de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n’a droit d’opposer de la résistance ».

Application à la politique : « dans la liberté commune nul n’a droit de faire ce que la liberté de l’autre lui interdit ». C’est une autre formulation du célèbre : la liberté de l’un s’arrête là où commence celle de l’autre. Dans les deux cas, on a ce hic : la liberté est une notion très floue -> nécessité d’un droit positif consentie par la volonté générale, c’est-à-dire d’une justice : « la liberté sans la justice est une véritable contradiction » :
- Au sens de justice naturelle : mon action libre ne doit pas causer de tort à autrui, c’est-à-dire être juste, pour éviter que ma liberté ne se détruise elle-même comme vu plus haut
- Au sens de justice juridique : fixer les cadres de la liberté de chacun dans le marbre permet au sujet de déterminer où commence la liberté de l’autre, et donc où finit la sienne. -> « point de liberté sans loi »

L’importance de la loi : on parle souvent de lois qui restreignent la liberté des hommes, quelque part en référence au droit naturel selon Hobbes (« le droit de nature […] est la liberté qu’a chacun d’user comme il le veut de son pouvoir propre » -> c’est l’indépendance). Rousseau dit exactement l’inverse : « Un peuple obéit mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres : il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. » Les lois, conçues pour déterminer la part de liberté de chacun (cette part étant égale pour tous) demandent une soumission, qui, loin d’être asservissante, est libératrice, puisqu’elle permet à la liberté de ne pas être « destructrice d’elle-même ». Les lois permettent donc au sujet d’accéder à la liberté véritable.
-> Le « faire ce qu’on veut », ou parfaite indépendance, n’est pas la liberté, qui ne s’accomplit qu’avec et en égalité avec les autres, et est donc indissociable des lois : « la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles »

CONCLUSION
- Importance des déterminismes et Ø liberté absolue : Spinoza vainqueur par KO ; pas de liberté absolu comme disait Descartes, et donc pas de dualisme (Sartre sera content).
- La liberté ne se réduit pas à l’exercice de la volonté, importance de la première phase d’invention des possibles. L’impossible étant ce qui n’existe pas dans le présent, l’élaboration de projets force ses portes ; la liberté, qui s’exprime dans la création des possibles plus qu’à leur réalisation, est une épreuve de l’impossible.
- De la liberté, comme construction, dans les moments de crise : toutefois, la liberté du sujet est peut-être là à l’état latent, et peut se manifester dans les moments de rupture qui nécessitent l’invention d’un nouveau réel -> la liberté n’est pas une faculté innée (≠Kant, Sartre, Descartes) mais une construction, une potentialité à mettre en œuvre.
- La liberté comme mouvement : la liberté n’est donc pas un état, mais un processus, non-réglé et séquentiel, qui survient quand s’épuise l’habitude.
- Pas de liberté sans contrainte consentie : que ce soit en politique, avec les lois, ou subjectivement, avec une nécessaire discipline de la raison pour une « néantisation » par rapport à l’opinion, la liberté a besoin de cadres pour exister
-> c’est une « REVOLTE LOGIQUE » pour reprendre une expression de Rimbaud (mouvement de crise + structure)

Cécile
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