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Le Bonheur : cours explicité

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Message  Cécile Ven 10 Juin - 18:23

LE BONHEUR

I. ANALYSE ET PROBLEME

A. QU’EST-CE-QUE LE BONHEUR ?

1) DISTINCTION D’AVEC JOIE ET PLAISIR
Plaisir : bien-être agréable essentiellement d’ordre sensible, assez localisé (on peut lui adjoindre à un adjectif : gustatif, auditif…), et plutôt éphémère.
Joie : état affectif global et total, moins fragmentaire que le plaisir, dynamique (survient quand amélioration de l’état du sujet, quand passage d’une perfection moindre à une perfection supérieure)
Bonheur (DEF 1): état plutôt statique, durable, de plénitude, félicité parfaite, repos complet. Classiquement, on l’assimile à la satisfaction absolue des désirs, état où nul manque, nulle béance, ne vient troubler notre béatitude.
On peut toutefois aussi le considérer plutôt comme un processus, comme Leibniz qui intègre ce double caractère : « Notre bonheur [consiste] dans un progrès perpétuel à de nouveaux plaisirs et à de nouvelles perfections » (Principes de la nature et de la grâce fondés en raison)

2) ETYMOLOGIE
heur : bonne chance, le bonheur est donc associé à un événement impromptument favorable, il y a une imprévisibilité du bonheur, avec également intervention du hasard (l’heur rejoint l’idée de Fortune).

Bon-> nulle chose n’étant bonne ou mauvaise en soi, mais seulement selon le jugement de valeur que je porte sur elle, il y a dans le bonheur un jugement de valeur. Quels en sont les critères ? Comment doit être un événement pour susciter en moi le bonheur ?
- Provocateur d’une sensation agréable -> mais ne rejoint-on pas le plaisir ?
- Conforme à mon désir ? -> importance du désir dans le bonheur
- Conforme à la raison, à une certaine idée que je me fais du bonheur

Remarque sur le lien bonheur/désir : le désir entretient un double rapport au bonheur :
- soit je considère que la satisfaction de petits désirs quelconque m’amène au bonheur
- soit je prends le bonheur comme objet même du désir

3) PROBLEME
Remarque : tous les hommes recherchent le bonheur, « jusqu’à ceux qui vont se pendre » selon Pascal - même les suicidaires trouvent encore dans leur suicide une forme de bonheur.
 Pour tous ces hommes, y-a-t-il une définition universelle du bonheur ou, le bonheur étant lié au désir, infiniment variable, n’y a-t-il que des bonheurs spécifiques et individuels ?
 Si le bonheur est lié au hasard, est-il possible de l’atteindre activement ?
 Si le bonheur est lié au désir, n’y a-t-il pas une part de fantasme qui fait du bonheur une chose inatteignable ?

II. LES SAGESSES ANTIQUES : DES BONHEURS DEFINIS ET ACCESSIBLES
Les trois doctrines suivantes sont des eudémonismes (<eudaimon : heureux), c’est-à-dire qu’elles considèrent le bonheur comme le bien suprême, but de toutes les actions humaines notamment morales (voir chap sur le devoir).

A.ARISTOTE : VIE VERTUEUSE -> BONHEUR
Définition du bonheur : l’homme est heureux lorsqu’il atteint « le paroxysme » de son humanité, c’est-à-dire, pour Aristote, lorsqu’il se trouve en parfaite harmonie avec ce qui a été conçu pour lui par la nature.

Idée : contrairement aux animaux restreints à leurs fonctions végétatives, « le propre de l’homme est l’activité de l’âme », c’est-à-dire la mobilisation de ses facultés intellectuelles, « en accord complet ou partiel avec la raison ».

Conséquence et Moyen : « ce qui est propre à l’homme, c’est donc la vie de l’esprit, puisque l’esprit constitue essentiellement l’homme. Une telle vie est également parfaitement heureuse ». C’est le principe de l’otium : un temps de loisir consacré à la réflexion et à la contemplation, activités dans lequel « l’esprit occupe la première place » (Ethique de Nicomaque).

Bilan : le bonheur réside dans la vie contemplative ; raison privilégiée.

B. STOÏCIENS : VIDER LES DESIRS DE LEUR FORCE
Définition du bonheur : = apathia (paix de l’âme), loin des troubles des passions.

Idée : désirs = sources du malheur des hommes, car
- Représentations -> enjolivation -> déception quand « satisfaction » du désir
- Omnipotence du destin (3 Moires) -> ce qui arrive n’est jamais conforme à ce qu’on désire
=>Il faut procéder à la catharsis des désirs, de sorte à Ø malheur -> bonheur (définition négative)

Moyen : faire comme si ce qui arrivait était ce que j’avais désiré, adapter mes désirs aux événements, « changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde » (Descartes).

C. EPICURIENS : SELECTIONNER MES DESIRS
Définition du bonheur : satisfaction des désirs (en ce sens, = hédonisme = doctrine faisant du plaisir le souverain Bien) ; elle amène proportionnellement à l’éloignement des troubles, et donc, but ultime, à l’ataraxie.

Moyen : classifier mes désirs selon leur conformité à ce qu’exige la nature, grand Tout rationnel, et éliminer la troisième catégorie, car l’excès (hubris) ≠ conforme :
- Désirs naturels et nécessaires, presque de l’ordre du besoin (manger à sa faim), =)
- Désirs naturels et non-nécessaires (nourriture fine…)
- Désirs non-naturels et non-nécessaires (ex : recherche des honneurs), =(
« Une théorie non erronée de ces désirs sait en effet rapporter toute préférence et toute aversion à la santé du corps et à la tranquillité de l’âme, c’est là la perfection même de la vie heureuse » (Lettre à Ménécée)

Critique : Définition négative du bonheur qui veut mettre à distance les choses sensibles, prônant une vision conceptuelle et assez intellectuelle du bonheur.
Remarque : chez Grecs, Ø référence à morale, Ø principes à suivre, mais modèles.

III. D’AUTRES DEFINITIONS DU BONHEUR

A.FAIRE SON DEVOIR PEUT DONNER L’ESPERANCE D’UN BONHEUR (KANT)
Kant établit une relation forte entre bonheur et vertu (-> ce que je pratique en obéissant à l’impératif catégorique), à deux niveaux :

Premier niveau : le non-malheur pour faire son devoir : Kant, dans Doctrine de la vertu, montre d’abord qu’il est souhaitable pour l’homme de se préoccuper de son bonheur. En effet, « l’adversité, la douleur, la pauvreté, sont de grandes tentations menant l’homme à violer son devoir ». Plus j’ai faim, plus je serais enclin à voler un cupcake dans le sac de ma voisine, comportement immoral s’il en est. « Chercher l’aisance », le non-malheur-> le bonheur selon les doctrines antiques, est donc « indirectement » un devoir, consistant à « écarter la misère comme étant une forte tentation à mal agir ». Il faut donc rechercher le bonheur mais en ayant en réalité la « moralité […] comme fin ».

Deuxième niveau : le devoir pour se rendre digne du bonheur : en soi, toutefois, le bonheur est inatteignable, d’après les réalités empiriques. Même la vertu ne m’apporte pas le bonheur livré sur place. Celui-ci dépend des postulats de la raison pratique : pour avoir l’espoir d’un jour connaître un bonheur, il faut que je croie en Dieu (or, on se souvient que Kant a démontré que l’existence de Dieu est indémontrable -> c’est un postulat, une hypothèse). Si je fais cette hypothèse, alors la vertu telle que modulée et définie par Kant peut me permettre de me rendre digne d’un bonheur éternel dans l’au-delà. « La morale n’est donc pas, à proprement parler, la doctrine qui nous enseigne comme nous devons nous rendre heureux, mais comment nous devons nous rendre dignes du bonheur. C’est seulement lorsque la religion s’y ajoute, qu’entre en nous l’espérance de participer un jour au bonheur, dans la mesure où nous aurons essayé de ne pas en être indigne » (Critique de la raison pratique)

Remarque : Kant est dans la droite ligne des monothéismes ; au contraire des Grecs qui recherchent un bonheur pour le présent, le bonheur recherché dans la vie terrestre ne sera accessible que dans l’au-delà, et il s’agit de s’en rendre digne.

B. ROUSSEAU : LE BONHEUR, DANS LE DESIR, NE TIENT PAS A SA SATISFACTION, MAIS AU DESIR LUI-MEME
« Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! » (Julie ou la Nouvelle Héloïse). Pour Rousseau, le bonheur réside dans l’anticipation propre au désir plutôt qu’en sa jouissance. C’est dans la quête de l’objet du désir, idéalisé, que je me trouve heureux, son obtention me décevant toujours. Selon cette conception, tout laisse à penser qu’Ulysse a dû être malheureux comme une pierre à Ithaque.

C’est vrai lorsque l’objet auquel j’aspire est matériel (je veux cette robe, j’en rêve la nuit, et c’est là que je suis véritablement heureuse), mais aussi voire surtout lorsqu’il ne l’est pas. Par exemple, désirer le bonheur en lui-même, en lui attribuant une certaine définition, c’est passer à côté de la plaque ; l’atteindre signifierait le perdre.

C. PAS DE MODELES A SUIVRE POUR ETRE HEUREUX
Raisons générales : si j’assimile le bonheur à une satisfaction absolue des désirs, je le mets en relation avec un rapport qui peut porter sur des objets infiniment variables -> il y autant de façons d’être heureux que de désirs possibles, c’est-à-dire une infinité.

Nietzsche : l’importance du dynamisme : Nietzsche, dans Ainsi parlait Zarathoustra, je ne sais pas vous mais je trouve ce titre excellent, critique le modèle figé de bonheur créé de toutes pièces par les civilisations. Ce « bonheur » est l’apanage de ce qu’il appelle le « dernier homme », c’est-à-dire le pur produit de la civilisation, modelé selon ses normes, et dont la volonté créatrice a été complètement annihilée : « « nous avons inventé le bonheur », disent les derniers hommes, et ils clignent des yeux ». Ex : modèle de l’homme d’affaire à l’emploi stable, bien rétribué, avec une femme, 2 enfants, une maîtresse et un chien à sortir le dimanche (voir American dream). Le seul bonheur légitime, dit Nietzsche, doit retrouver des éléments actifs et dynamiques, être réinventé par chacun. « Hélas ! Le temps approche où l’homme ne lancera plus par-delà l’homme la flèche de son désir, où la corde de son arc ne saura plus vibrer ! Je vous le dis : il faut encore porter en soi le chaos pour être capable d’enfanter une étoile dansante. Je vous le dis : vous portez en vous un chaos. Hélas, le temps est proche où l’homme ne mettra plus d’étoile au monde. « On trouvera le véritable bonheur, non en appliquant des schémas préconçus, mais en inventant, en mettant au monde de nouvelles étoiles.

IV. LE BONHEUR N’A-T-IL PAS POUR ESSENCE D’ETRE HORS D’ATTEINTE ?

A. LE BONHEUR COMME FORME AMPLIFIEE DU PLAISIR= DIFFICILEMENT ATTEIGNABLE

1) RAISONS PSYCHANALYTIQUES
Rapidement, vision freudienne :
« deux faces » de l’aspiration au bonheur :
- « un but négatif » : « que soient absents la douleur et le déplaisir »
- « un but positif » « que soient vécus de forts sentiments de plaisir »
Problème : difficulté à appliquer « le programme du principe du plaisir » pour raisons 1 et 2 qui suivent. Au contraire, très facile d’être malheureux, car « la souffrance menace de trois côtés » :
- « en provenance du corps propre », qui manifeste sa décadence par la souffrance
- « en provenance du monde extérieur qui peut faire rage contre nous avec des forces surpuissantes, inexorables et destructrices »
- « à partir de nos relations avec les autres hommes », la pire, car « nous sommes enclins à voir en elle un ingrédient en quelque sorte superflu », non-nécessaire.

Raison 1 : Bonheur toujours momentané, car résulte de l’abaissement d’une tension : on conçoit le bonheur comme une sorte de forme amplifiée du plaisir. Or, le plaisir résulte de l’abaissement d’une tension. Si je me réjouis après avoir ENFIN pu acheter cette God damn it de robe, ce n’est pas tant pour le plaisir intrinsèque qu’elle représente, que pour la fin que son achat appose au manque créé par le désir. Par conséquent, le bonheur ne peut que résulter de l’abaissement d’une très grande tension : « ce qu’on appelle bonheur au sens le plus strict découle de la satisfaction plutôt subite de besoins fortement mis en stase ». Ex des convalescents qui, après avoir frôlé la mort, trouvent un goût savoureux à la vie.
Problème : cet abaissement ne dure qu’un temps ; on s’implante ensuite dans un nouvel état, sans plus savourer le décalage par rapport à l’état précédent. Après la jouissance du contraste, dit Freud dans Malaise de la civilisation, « toute persistance d’une situation désirée par le principe de plaisir ne donne qu’un sentiment d’aise assez tiède », qui n’a plus rien à voir avec le bonheur. Par conséquent, le bonheur est éphémère, sinon tout à fait inatteignable. C’est en fait la faute de notre constitution : « nos dispositifs sont tels que nous ne pouvons jouir intensément que de ce qui est contraste, et ne pouvons jouir que très peu de ce qui est état. »

Raison2 : je ne peux satisfaire complètement mes désirs les + intenses pour des raisons sociales : voir cours sur l’inconscient ; mon sur-moi ayant intériorisé les limites sociales, mes désirs les plus intenses (ex : le désir incestueux) sont aussi ceux que je refoule le plus. Je ne puis jamais vraiment les satisfaire, sauf par la voie de la sublimation.

3) UN DESIR NE PEUT JAMAIS ETRE VRAIMENT COMBLE (LACAN)
Cas particulier de la demande : souvent, la satisfaction de mon désir passe par une demande que j’adresse à autrui. Ex : papa ? paaapa ? Tu m’achètes une glace s’il-te-plaîîîîît ? Or, une telle demande n’est jamais réellement satisfaite. En effet, elle est toujours « métonymie », dit Lacan dans l’Ethique de la psychanalyse, n’énonce clairement qu’une partie du tout. Elle est toujours « au-delà et en-deçà d’elle-même », « demande toujours autre chose » que ce qui est explicitement formulé. On constate ici une nouvelle faille du langage, incapable de rendre compte de la demande latente sous-jacente à la demande concrète : une demande de reconnaissance. De plus, la reconnaissance, l’amour, n’étant pas de nature quantifiable, cette demande sous-jacente ne pourra jamais se trouver satisfaite, et mon désir ne sera jamais vraiment comblé.

Elargissement : quand je désire un objet, ce n’est pas tant pour lui-même que pour ce qu’il représente, la reconnaissance d’autrui qu’il pourra m’apporter. Mais cet apport ne sera pas permanent, et dès lors que cette fichue robe ne m’apportera plus les regards envieux que je désire, j’aurais besoin d’en acheter une autre, puis encore une autre…
-> mes désirs ne sont jamais vraiment comblés -> je ne suis jamais vraiment dans un état de plénitude durable, jamais heureux.

B. LE BONHEUR PEUT SEULEMENT ETRE RENCONTRE PAR HASARD
Stuart Mill (1806-1873), qui ici « théorise philosophiquement » l’opinion d’Oscar Wilde, conclue de tous ses arguments qu’il ne faut pas associer le bonheur à la satisfaction du désir. Je ne dois pas désirer être heureux, si je veux l’être : « le seul moyen de l’atteindre [est] de ne pas en faire le but de l’existence ». Il faut avoir « l’esprit tendu vers quelque objet autre que [son] propre bonheur », se déterminer des objectifs plus accessibles, se concentrer dessus, et rencontrer le bonheur « chemin faisant ». Si je fais des « plaisirs de la vie » un « objet principal » de mes désirs, je ne les trouverais plus suffisants, car « ils ne supportent pas un examen rigoureux ». A titre d’exemple, quand je savoure un cupcake, je ne dois pas me demander si vraiment il est parfaitement bon, car aussitôt je commencerai à lui trouver des défauts, un excès de farine peut-être, une once de citron qui ferait défaut, et mon plaisir s’en trouvera amoindri. De même, « Demandez-vous si vous êtes heureux, et vous cessez de l’être ». Il ne faut donc pas chercher à donner une définition du bonheur, et voir si ce que je vis est en conformité avec cette définition : « que votre conscience s’absorbe dans le recherche de [quelque fin étrangère au bonheur], et vous respirerez le bonheur avec l’air, sans le remarquer, sans y penser, sans demander à l’imagination de le figurer par anticipation » (Autobiographie).

CONCLUSION
Les Grecs ont tenté de donner une définition conceptuelle du bonheur, en l’excluant des plaisirs sensibles ; mais cette mise à distance des choses sensibles n’est pas judicieuse, car le sensible et les désirs qui le relie au sujet est prépondérant dans le bonheur. Etant dès lors de nature subjective, le bonheur ne peut avoir de définition universelle. Il faut en outre éviter de le fixer comme un idéal, car il se place alors automatiquement comme hors d’atteinte.
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Message  Cécile Ven 10 Juin - 18:29

voilaaaaaa !! Bon par contre, je vous avoue tout, je ne suis pas très fière de ce chapitre Embarassed, j'espère avoir le temps de l'améliorer d'ici au bac (mais, comment dire, au regard de l'avancée de mes révisions.... j'en doute Laughing ) mais s'il s'avère qu'entre deux cours de géo et huit synthèses de littérature study j'ai le temps de repasser dessus, promis je le remodifie ici @ !! gros bisous, on tient le coup !!!!!!! Very Happy

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